
[Comme vous le voyez, cet article date de 2016. Je réécrirais beaucoup de choses pareillement aujourd’hui et d’autres, bien sûr, non. J’ai choisi de le laisser car il montre la mère que j’étais et ce que je ressentais à ce moment de ma vie et de ma parentalité. Il dit du coup aussi du chemin parcouru depuis, notamment en prise de conscience féministe, parentale, des inégalités et discriminations, des défaillances du système de santé et d’accompagnement des naissances, etc. Et ce chemin-là fait partie de ma parentalité, et, je le sais pour en avoir beaucoup parlé autour de moi, de celui de beaucoup de mères.]
En ce moment, je me pose souvent cette question : Qu’est-ce qui nous différencie en tant que maman que nos propres mères ? J’ai le sentiment, en en parlant autour de moi et en le vivant personnellement, qu’il y a des différences assez frappantes entre notre génération qui devient parent et celle de nos aînés. Peut-être même plus qu’entre eux et leurs propres parents. On pourrait pousser cette réflexion assez loin et se demander d’où elles viennent ou à quoi elles sont dues, mais ce n’est finalement pas ce débat qui m’intéresse.
Non, je préfère me demander comment pourrait se définir une mère en 2016, ce qui caractérise notre génération, et ce que j’aurais alors envie de lui dire ou de lui conseiller (à moi-même ? ;) ). Et en y réfléchissant, on se rend compte qu’il y a du mieux, certes, mais bien évidemment pas que …
Chère maman de 2016,
Pour toi être mère c’est …
… l’être à l’ère d’Internet
Avec ses bons comme ses moins bons côtés. Internet est, pour toi, mère, ou pour toi, future mère, un incroyable outil de partage, d’échanges, de rencontres, de lien social. Rien qu’à voir les multitudes de blogs qui se créent dans la sphère parentale, les amitiés qui naissent, les initiatives collaboratives qui fleurissent … Sans Internet, beaucoup d’entre nous se sentiraient très seules, c’est une certitude.
Il s’agit également d’un outil qui permet de faire entendre plus facilement sa voix ; réseaux sociaux, pétitions en ligne, engagement, autant de domaines qui peuvent te permettre, ainsi qu’à tous les parents, de donner ton avis et de t’exprimer sur des sujets qui te tiennent à coeur.
Mais Internet a aussi ses travers pour toi, maman de 2016 … Que ce soient à cause des angoisses suscitées par la lecture des forums, ou des réseaux sociaux qui renvoient souvent une image de vies rêvées qui peuvent te faire pâlir – ou culpabiliser les mauvais jours -, ce n’est pas toujours le lieu où augmenter ta confiance en toi. Il faut parfois être vraiment bien dans tes pompes pour affronter ce qui pourrait s’apparenter à une jungle. A côté de cela également, Internet peut être d’un grand réconfort en cas de coup de mou ou de pépin, pour rencontrer – au moins virtuellement – des personnes qui traverserait la même situation.
Voilà, tu es une mère « Internet », et c’est une chance inouïe pour moins te sentir seule et plus comprise, mais je t’en prie, reste vigilante et sache te protéger de ce monde virtuel qui ne te veut pas toujours que du bien. Et n’oublie jamais que ce que tu vois sur les réseaux, ce sont des morceaux choisis, et rien que ça …

… avoir une mine d’informations
Tu es au courant de tout, maman de 2016 ! Si tu le veux – et sans trop d’efforts -, tu peux tout savoir des dernières découvertes sur le cerveau des enfants, mais aussi des nouvelles méthodes de maternage, tu peux lire tout et n’importe quoi sur l’allaitement, le non allaitement, le cododo, le portage, l’accouchement sans douleur, l’accouchement « nature », les pesticides, les problématiques de séparation, de sommeil … si bien que tu as souvent tout lu, vu, entendu -même sans le vouloir- et que ton cerveau explose ! Il arrive que tu aies envie de te terrer dans une grotte … mais c’est plus fort que toi, tu vas finir par ressortir un bouquin ou aller sur Internet à la moindre interrogation.
Alors ce que tu ne dois pas oublier maman d’aujourd’hui, c’est le bon sens dont savaient faire preuve les anciennes générations, et c’est là tout l’enjeu de ton époque. Car savoir rester spontanée sans se poser trop de questions n’est pas toujours … spontané pour la mère de 2016 !
… avoir une grossesse plus libre
Je sais ce que tu vas me dire : « PLUS LIBRE ? mais on n’a jamais été aussi médicalisées qu’aujourd’hui ! » Et tu as raison. Mais par libre, je veux dire qu’on a davantage le choix de dire ce que l’on souhaite, ou non. Bien évidemment, il y a encore des abus, et toutes les femmes ne vivent pas une grossesse respectueuse. Mais dans l’ensemble, je pense qu’on a plus voix au chapitre et que de plus en plus de femmes savent ce qu’elles veulent, ou au contraire ce qu’elles ne préfèrent pas, que ce soit en terme de préparation, de soins médicaux ou d’accouchement. Disons que tu es mieux informée, et que tu as plus la place de le dire qu’il y a 30 ans. Des progrès sont encore à mener, comme dans tout ce que tu liras dans cet article qui parle de tendances plus que de vérités immuables, mais j’ai l’intime conviction que les choses bougent à ce niveau-là.
Toujours en parlant de la grossesse, même si la surmédicalisation a ses indéniables travers que je ne connais que trop bien, c’est aussi le gage de savoir que nous sommes entourés par des médecins à la pointe – technique, car malheureusement encore trop rarement psychologique comme tu le sais, mais cela viendra peut-être – qui sauront pallier de nombreuses situations. Cela te donne de la force, chère mère, et de la confiance en la vie que tu portes.
… être à un tournant de l’Histoire de l’éducation et remettre en cause les systèmes établis
Depuis quelques années, les études en neurosciences pullulent et prouvent que les méthodes d’éducation répressives ou punitives ne sont ni efficaces ni bonnes pour le développement de nos petits. Après ce constat suivi du mythe de « l’Enfant Roi », nous semblons enfin avoir trouvé un juste milieu en terme d’éducation, qui reposerait sur une certaine « bienveillance mais fermeté » ou « discipline positive ». Et ça, chère mère d’aujourd’hui, tu en as entendu parler. Non pas que ces concepts soient facile à appliquer et tu es d’ailleurs souvent un peu perdue face tout cela, mais tu SAIS.
Petit à petit, les systèmes établis sont remis en cause, et les méthodes changées. Des auteurs, chercheurs, psys, pédiatres éclairés émergent, veulent faire bouger les choses et nous aider à mieux faire. Le mot de notre siècle, c’est la BIENVEILLANCE. Il peut t’agacer car tu le lis partout, mais il est primordial … primordial pour un avenir et des individus plus sereins, souviens t’en.
… avoir peur
Oui, il est difficile aujourd’hui d’être une maman qui n’a pas peur. Surtout depuis l’année dernière … Certes, il te faut continuer à vivre, certes il ne faut pas transmettre tes angoisses ni montrer à tes enfants que tu as peur pour préserver leur innocence, mais ce sentiment a du mal à te quitter. Parfois il te prend, chez toi, au parc, en pleine rue, dans le métro, devant les infos … et t’englobe de toute sa froideur. Parfois même tu hésites à te rendre dans un lieu touristique.
Souvent, tu as juste envie de prendre la chair de ta chair, de la serrer très fort et de ne plus la lâcher. Tu sais que ce n’est pas une solution alors tu la laisses grandir … mais tu veilles.
Les mères de 2016 dont tu fais partie ont perdu leur insouciance ; elles ne veulent pas se laisser avoir par ces barbares alors elles continuent et elles y croient, mais oui, elles ont peur.

… oser s’écouter et demander de l’aide
Très gros point positif : je pense qu’à notre époque, on s’écoute plus ! « Trop », penses-tu ? Laisse donc faire les choses, on finira bien par trouver un juste milieu … et ce n’est pas du luxe de s’écouter un peu plus qu’avant. D’avoir plus conscience de ses aspirations par exemple, de s’avouer quel équilibre de vie on a envie d’avoir, même si ce n’est pas possible tout de suite, d’apprendre à s’arrêter avant l’épuisement. Qu’en penses-tu ? La société change et le « boulot » de mère est mieux considéré, dans le sens où il est plus facilement accepté que cela puisse être difficile, que certains moments sont compliqués, et que tout n’est pas rose. Tu vois de quoi je parle ? ;)
Professionnellement aussi, cela change. Énormément de choses restent à faire mais disons que le concept d’équilibre ou de conjugaison vie privée / vie professionnelle est maintenant dans la plupart des esprits et devient un vrai enjeu sociétal.
Et qui dit mieux s’écouter dit réussir plus facilement à demander de l’aide. Ceci n’est pas encore une généralité, mais tu y arrives de mieux en mieux, bravo ! Professionnels, amis, famille, voisins … toi, maman d’aujourd’hui, tu connais les ressources qui se trouvent à tes côtés et tu as souvent moins de scrupules à les solliciter que ton propre mère – ta grand-mère, en revanche, était beaucoup plus « communautaire » ! A ce sujet-là, les réseaux et initiatives collaboratives fonctionnent également très bien dans le domaine de la parentalité, si c’est pour toi encore difficile de te faire aider par ton entourage.
… avoir à ses côtés un père plus impliqué
Là encore je prends des pincettes, mais les faits sont là : les « nouveaux pères » prennent bien plus à coeur leur rôle dans la vie quotidienne de leurs bambins qu’ils ne le faisaient auparavant, et ont une place bien plus présente dans leur éducation et la vie de famille.
Ce qui veut dire, chère mère de 2016, que tu as – peut-être – un peu plus de temps pour toi ? Cette question dépend de chacune, mais la tendance voudrait en tous cas que les rôles soient un peu mieux répartis dans le couple auprès des enfants. En voilà une belle avancée ! Mon conseil, petite maman, si tu as la chance d’être entourée par l’un de ces « nouveaux pères », c’est d’en profiter pour te retrouver parfois seule, parfois entre amies, parfois avec ta propre mère ou ta soeur … de t’appuyer sur lui pour sortir de ton quotidien qui peut devenir envahissant. Et de lui faire confiance car il saura très bien s’y prendre !

… parler plus librement de sa parentalité
Ça aussi cela change ! Il y a désormais tellement de lieux, de plateformes, de sources d’expression, que les parents d’aujourd’hui trouvent plus de force pour parler et pour s’affirmer. Cela ne veut pas dire que ce soit facile et accessible pour toi, bien loin de là, mais disons qu’il y a un mouvement en cette faveur, et que c’est absolument remarquable. Il me semble que la parole se libère de plus en plus sur tous ces sujets liés à la parentalité -pour les femmes comme pour les hommes d’ailleurs-, et que c’est une excellente chose … Tu ne trouves pas ?
Pour conclure, oui tu as des enjeux différents et de grosses dissemblances avec les générations antérieures, et nous sommes d’accord, ta vie n’a rien à voir avec celle que l’on menait il y a 30 ans. Tout va très vite, à tel point que la question de savoir quels parents seront nos enfants n’est pas loin …
Et c’est pour cette raison qu’il faut surtout retenir qu’être mère en 2016, en 1980 ou en 2080, c’est encore, toujours, de façon universelle et inconditionnelle, aimer nos enfants du mieux que nous le pouvons et faire en sorte qu’ils aient toutes les clés pour être un jour à leurs tours, les parents aimants et bienveillants que nous avons voulu être. Et ce challenge-là, il est bien intemporel !