L’enfer, c’est le square

[Article de 2016]

Quand j’ai posté cette photo la semaine dernière sur Instagram, racontant ma phobie du parc, je ne pensais pas obtenir autant de réactions et de messages à travers les réseaux sociaux. J’ai l’impression que je ne suis pas la seule à détester ce lieu de tous les enfers (non, non j’exagère à peine) et à m’y sentir très mal à l’aise.

Pourtant petite, j’adorais le parc. Je me souviens avoir passé des heures à trépigner d’impatience et à réclamer d’y aller, quel que soit le temps. Je me souviens des journées passées avec ma copine C. au « Parc de la Mairie », au « Parc de la rue de Nanterre » de ma ville natale. On y jouait, on s’y inventait des vies, des histoires à dormir debout ; on refusait d’en partir et on y repensait jusqu’au lendemain.

Et puis, je ne sais pas quel a été le déclic, mais peu à peu j’ai commencé à moins aimer, puis à détester le parc. Peut-être au moment où je me suis rendue compte que l’enfance est un univers impitoyable ; rivalités, jalousies, comparaisons … et le parc était devenu LE lieu où tout cela se révélait plus qu’ailleurs. Heureusement, j’arrivais à l’adolescence, et je laissais donc derrière moi le temps « béni » du square …

Quand on a commencé à penser à avoir un bébé, je me suis surprise à avoir hâte de l’emmener à mon tour au parc ; enceinte, je flânais avec mon ventre rond pendant de longues minutes dans ces espaces de jeux, rêvant aux longues balades en poussettes dans les allées, au toboggan, aux balançoires …

Et puis je suis devenue maman. Et vous savez quoi ? Mon aversion est revenue en moins de deux ! A vrai dire, il m’aura fallu 5 minutes dans un square de mon quartier à une heure de pointe pour qu’elle revienne et ne me quitte plus. Mais enfin, pourquoi je déteste ENCORE PLUS le parc depuis que j’ai ma Petite I ? C’est cette question que je me suis posée et à laquelle je pense avoir trouvé quelques réponses :

Parce qu’il est peuplé d’une faune inestimable, immuable et insupportable

La faune du square, elle a toujours existé et elle existera toujours. Je pense que c’est la même depuis des décennies, le téléphone portable en plus.

Côté enfants, chacun révèle son caractère aux yeux des autres ; il y a les prudents, les réservés, les rêveurs, les observateurs, les « petits caïds », les téméraires, les violents, les hyper-sensibles … et tout cela ne fait pas toujours bon ménage. Je sais que la vie est une jungle et je suis ravie que ma fille côtoie tous ces enfants -et qu’elle ait elle-même son caractère !-, mais si ce n’est pas sous mes yeux, c’est aussi bien …! Je n’aime pas assister à cette émulation, je suis gênée et mal à l’aise face aux rapports de force qui peuvent se nouer entre les enfants (ne tentez pas de faire ma psychothérapie, vous en auriez pour des années !!). C’est certainement mon côté un peu « Bisounours » :).

Ceci dit, c’est plutôt côté adultes que les choses se corsent … Aaaah, les adultes au parc … Les mamans, les papas, les nounous … tout ce joli monde qui se regarde de travers, qui ne peut pas s’empêcher de juger par un regard les attitudes des autres. Parfois, je me croirais dans Les reines du Shopping. Sauf que là, il n’y a pas Christina Cordula pour calmer le jeu et détendre l’atmosphère, et c’est bien dommage ! Entre la mère sapée comme jamais (Maitre G., pardonne-moi du plagiat), débarquant toute pomponnée et en talons aiguilles du métro après une journée de boulot HAR-RAS-SAN-TE, qui te met des complexes avant même qu’elle n’ait ouvert la bouche ; celle qui a des colliers en nouilles autour du cou et des boucles d’oreille en pâte Fimo « parce qu’elle, au moins, elle utilise ce que ses enfants lui offrent tellement elle les aime » et qui te regarde de travers quand tu as le malheur de sortir ton téléphone portable ; la nounou qui discute avec sa cops pendant que le petit de 18 mois dont elle a la charge se carapate à l’autre bout du jardin ; la grand-mère si dévouée qui a apporté ses petits biscuits maison dans un tupperware et qui rumine que « les mères d’aujourd’hui, ce n’est plus ce que c’était »…. bon, je vous l’accorde, je suis un brin caricaturale, mais quand même, la faune du square c’est quelque chose ! Le pire du pire, c’est que je suis sûre que si on rencontrait tout ce petit monde dans un autre contexte, on s’entendrait très bien avec eux ! A croire que le parc tienne lieu d’arène où chacun doive tenir un rôle bien précis, toujours en rapport avec son voisin …

Parce qu’il nous rappelle nos rivalités d’enfant

Là encore, à deux niveaux. Voir deux enfants se tirer la bourre me renvoie tout de suite l’image de mon enfance, où l’on peut être si cruels les uns avec les autres. Beaucoup de rivalités, peu d’indulgence, les enfants peuvent être si exigeants et durs entre eux. Quand j’assiste à des moments comme ceux-là au parc, tout me revient un peu en mémoire et ce n’est pas du meilleur effet …! Là encore, je sais à quel point il est primordial que Petite I passe par tout ça et vive les frustrations, les déconvenues et les déceptions comme nous les avons vécus avant elle ; mais mon instinct viscéral de protection a encore un peu de mal à le voir en live :-

Mais surtout, le square te rappelle qu’en fait, si tu croyais en avoir fini avec la comparaison, détrompe-toi ma bonne dame, elle est encore partout oui oui oui ! D’ailleurs, qu’est ce que je suis en train de faire quand je vous dresse le portrait de ces mères qui peuvent me complexer ? Je me compare … elles se comparent … nous nous comparons … sans cesse … C’est comme ça un peu partout me direz-vous ; sauf que, où d’autre qu’au parc, où nous nous retrouvons toutes dans un espace très délimité, y a-t-il une aussi grosse concentration de mères-qui-veulent-faire-du-mieux-qu’elles-peuvent-et-surtout-mieux-que-les-autres ?

Non, la question que je me pose juste, c’est, est-ce que nous ne pourrions pas nous octroyer un peu plus d’indulgence et de liberté, quand on est justement toutes entassées dans un espace clos duquel il est quasiment impossible de s’extirper -au risque d’essuyer une colère de 30 minutes, et donc de devoir y rester quand même- ? Il semble alors que ce soit une règle d’or du square : tu n’as aucune envie de venir ici, alors autant que ce soit pour observer les autres et te comparer un peu, non ? hum hum …

Chères autres mamans du parc, si vous saviez comme parfois j’ai envie de toutes vous enlacer et de faire une grande chenille avec vous pour se dire qu’on est toutes copines, dans le même bateau, avant d’être rivales … mais comme il est même impossible de vous demander l’heure !

Parce qu’il est le lieu où les craintes d’être une mauvaise maman se cristallisent

Nous y voilà …Parce qu’au final ce regard des autres mamans, ou papas, ou adultes en général, qu’est-ce qu’il nous renvoie ? On pourrait aussi très bien n’en avoir rien à faire et faire comme bon nous semble … Mais NON ! Car Maman tu es, culpabilité tu ressentiras, un point, c’est tout ! Oh, bien sûr on fait du mieux qu’on peut ; mais notre enfant ira toujours « emprunter » une trottinette qui ne lui appartient pas, balancer du sable sur un petit garçon qui n’avait pas demandé grand chose, faire une colère en se roulant par terre à la moindre frustration … et dans ce cas-là, il n’y a pas 36 000 solutions : on est une mauvaise mère, et ce n’est pas discutable. D’ailleurs, voyez ces regards inquisiteurs fixés sur vous ; c’est sûr, ils le pensent tous ! Et puis, ils font tellement mieux, les autres … (retour à cette chère comparaison)

En fait, si vous aviez encore un doute sur le fait d’être une mauvaise mère, allez au parc, vous en serez persuadée ! Sauf qu’il me semble que vous avez oublié un petit truc : vous ne pouvez pas être COMPLÈTEMENT une mauvaise mère si vous emmenez votre enfant au square, ça, je vous le promets ;-) D’ailleurs j’en profite pour demander pardon à ma fille de ne pas être une « maman de parc ». Oui, parce que comme la culpabilité est un truc vraiment bien ficelé, elle pointe le bout de son nez AUSSI quand tu n’emmènes pas ton enfant au parc. Et hop ! un p’tit coup par derrière, histoire que tu ne puisses vraiment plus t’en sortir. Quoi qu’il arrive, la pub Sixt de la Maman qui Déchire est bien plus efficace pour se redonner confiance que de penser à emmener (ou non) son enfant dans un jardin public :)

Parce qu’on ne peut pas s’empêcher d’y avoir peur

Répétez après moi : « Je ne suis pas une maman hélicoptère, je ne suis pas une maman hélicoptère, je ne suis pas une maman hélicoptère. » Enceinte, puis chaque jour, vous vous l’êtes juré : vous ne serez pas une maman hélicoptère. Mais si, ces parents qui ont peur de tout et qui ne laissent jamais leurs enfants faire quoi que ce soit. Ceux-là même qui suivent leur progéniture partout où ils vont comme un hélicoptère au dessus de leur tête. Bref, vous ? Jamais ! Motricité libre, ouvrir l’enfant à la curiosité du monde, tout cela n’a pas de secrets pour vous, vous êtes une maman Montessori et vous le revendiquez ! Et puis vous allez au parc … Et là, vous vous surprenez à vous inquiéter pour rien. Vous savez, le sable plein de microbes que l’enfant met dans sa bouche, le toboggan trop haut, la balançoire trop rapide, les escaliers trop raides. Toutes ces petites choses qui, alors que vous êtes tranquillement assise sur un banc, vous font avoir un petit sursaut (petit hein, il ne faudrait pas qu’on vous repère !), lever une fesse, puis l’autre, et vous diriger machinalement vers votre progéniture. Ça, c’est dans le meilleur des cas, parce que cela peut être beaucoup plus épidermique et alors là, toutes les alertes sont lancées, vos signaux (et votre visage) sont au rouge et vous élancez vers votre petit plus vite qu’Usain Bolt aux derniers JO. Donc oui, le parc, c’est l’endroit où vous allez indéniablement vous inquiéter, alors même que vous vous étiez jurée d’être une maman cool, zen, flex, flux, lol.

Parce que tu t’y ennuies

Soyons très honnêtes, à part y aller avec des copines (À NOUS), on s’y ennuie comme un rat mort au parc ! Après avoir fait 3 pâtés, deux tours de toboggan et 10 de balançoire, notre patience a des limites et on a déjà envie de rentrer. Alors on s’assoie sur un banc, et pour peu qu’il fasse 10 degrés et qu’on n’ait plus de batterie sur notre téléphone, la dépression n’est pas loin … On serait tellement mieux à la terrasse d’un café ou blottie sous notre couette en train de regarder une série, n’est-ce pas ? Oui, mais non, tu as choisi de donner naissance à la chair de ta chair, fallait pas croire que ça allait être facile, non mais ! Non, vraiment, le square ce n’est pas une bonne idée. Vraiment vraiment pas. Bon, sauf quand votre fille vous regarde avec les yeux qui pétillent, pleins d’une reconnaissance éternelle ; quand vous la voyez se nouer d’amitié avec un petit garçon à qui elle prête son seau ; quand elle rit aux éclats en haut du toboggan ; quand elle court dans vos bras pour vous enlacer tellement elle est heureuse d’être là ; quand vous la voyez qui apprend chaque jour un peu plus, qui escalade, qui grimpe avec une agilité incroyable ; quand elle court derrière son ballon avec son papa ; quand un papa vous dit « c’est pas grave, ils le font tous » alors que votre fille vient de piquer la trottinette de sa fille ;  ou encore quand une maman bienveillante (mais oui, bien sûr que ça existe !) et un peu paumée comme vous esquisse un sourire de compréhension.

Allez, ça vaut bien une petite séance des reines du shopping, non ?

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