
Il y a un an, pour mon troisième accouchement, j’ai subi plus de dix heures de violences obstétricales inouïes (physiques, médicales, psychologiques, morales …). J’ai raconté mon histoire sur mon compte Instagram puis dans un épisode du podcast Le Tourbillon.
Depuis ces 12 et 13 février 2020, mon chemin de reconstruction et de résilience est long et sinueux. Et si aujourd’hui je vais beaucoup mieux, c’est en partie grâce à un faisceau de personnes attentives, proches ou professionnelles qui m’ont soutenue et surtout, écoutée.
On entend partout qu’il faut « libérer la parole » (en particulier celle des femmes, sur tous les sujets qui les concernent). Et évidemment qu’il est indispensable de la libérer cette parole !
Mais n’oublions pas l’écoute …
Parce que sans écoute, la parole ne sera jamais libérée puisque jamais reçue ni entendue. Je me demande même si vouloir parler sans être écouté.e n’est pas encore pire que de ne pas parler du tout.
Toute guérison commence par la reconnaissance du vécu.
Faire tomber la honte et la culpabilité d’avoir mal vécu certaines choses, c’est notre devoir à tous.tes. Partir du principe que si une femme ressent un acte ou une parole comme violent(e), c’est qu’il/elle l’a été, même si ce n’était pas volontaire.
« Comment tu te sens ? »
Demandons à nos amies / soeurs / cousines /collègues enceintes ou jeunes accouchées : « Comment tu te sens ? ».
Pas le traditionnel « Ça va ? » ou « Tout s’est bien passé ? » qui amènent davantage un « Oui oui » avant de passer à autre chose. Non, allons plus loin. Montrons que nous sommes là et ouvert.e à la confidence. Si elle en a envie, si la porte s’entrouvre, faisons-lui raconter son dernier rendez-vous, son accouchement.
Alors peut-être que sa langue se déliera, peut-être que nous aiderons à ce qu’elle sorte ce qu’elle a sur le cœur et qui a pu lui faire mal ou l’indisposer.
Ça vaut le coup je vous promets. Ce n’est pas vain, jamais. Car quand bien même elle n’ouvrirait pas complètement la porte dans un premier temps, elle saura. Elle saura que vous êtes là, et prêt.e. à l’écouter.
Même s’il n’y a qu’une seule fois une seule femme de votre entourage qui vous fait ce genre d’aveu, ce sera déjà une femme d’aidée si elle a pu parler et être entendue.

La difficulté de parler de l’intime
Si on vous dit « accouchement difficile », « accouchement compliqué », « éprouvant », souvent ce sont des euphémisme, des formules pour ne pas choquer. C’est difficile de parler d’intime, de montrer ses vulnérabilités. Si vous vous en sentez capables, n’hésitez pas à creuser, il y a souvent autre chose derrière…
Personne n’est responsable de ça, on n’est juste pas « éduqués » pour parler et écouter ces sujets tabous, violents, anatomiques, gynécologiques, sexuels parfois. On n’a pas appris à écouter la souffrance profonde, l’injustice, on ne sait pas quoi y répondre et il est souvent plus simple de l’évincer. Mais ne vous mettez pas de pression inutile, prêter votre oreille suffit ; pas besoin de répondre des phrases compliquées, de chercher les mots justes pendant des heures, l’empathie suffit largement.
Ces quelques minutes (ou heures) d’écoute ne vous sembleront peut être rien, qu’une simple prise de nouvelles banale. Mais c’est énorme.
Ne sous-estimez pas le pouvoir magique et salvateur que vous avez alors.
Encouragez-la à écrire aux établissements ou professionnels concernés. Ça m’a énormément aidée, ce fut le première pierre posée à la reconnaissance officielle de ce que j’avais vécu. Cela m’a permis de poser des mots noir sur blanc, des faits, des ressentis. De nommer. De faire lire à quelques personnes réceptives de mon entourage aussi, quand je n’arrivais pas encore à tout raconter.
Les violences obstétricales et les accouchements mal vécus détruisent. Ils détruisent le corps et l’image qu’on en a, ils détruisent la santé mentale, ils détruisent la confiance en soi et aux autres, et ils peuvent détruire le lien mère/enfant, même le couple. Ils peuvent tuer.
Oui on peut se réparer et pour ça déplacer des montagnes ! Bien sûr et heureusement !
Mais pas dans le silence.