Mais au fait, c’est quoi un accouchement (non) respecté ?

Avertissement : cet article, mêlant légèreté de ton et gravité, peut être difficile à lire en fonction de votre vécu. Il touche un sujet douloureux et grave, qui peut heurter en fonction de là où l’on se trouve et de sa situation de vie. N’hésitez pas à demander de l’aide si vous en avez besoin, des professionnel.les, des associations sont là pour ça. Ce n’est pas une honte mais une réelle force. Et surtout, vous n’êtes pas seul.e ♡

Cette semaine, c’est la Semaine Mondiale pour l’Accouchement Respecté (SMAR). Est-ce parce que j’y suis plus sensible ? Est-ce parce que j’ai vécu ce que j’ai vécu ? Est-ce parce que mes sources d’informations sont biaisées ? En tous cas, je trouve que pour une fois, le sujet est visible et pris au sérieux. Plusieurs maternités ou maisons de naissance, des dizaines de sages-femmes, gynécologues, doulas, patient.e.s prennent la parole pour informer et faire avancer les choses. Quelle immense et indispensable avancée !

Mais au fait, c’est quoi un accouchement respecté ? Encore une lubie de « ces néo-hippye-bobo-végan » ? Encore un moyen pour les féministes de faire entendre parler d’elles ? Un nouveau concept islamo-gauchiste ? Ahah, et bien scoop mes ami.es, rien de tout ça ! Un accouchement respecté, c’est un accouchement durant lequel la patiente – le couple – s’est sentie RES-PEC-TÉE. Point barre. Rien de plus ? Non, vraiment rien de plus !

Cela veut dire, si vous avez bien suivi, qu’un accouchement respecté peut avoir lieu en structure hospitalière de niveau III, en niveau I, en maison de naissance, à la maison ; lors d’un accouchement ultra médicalisé, avec ou sans péri, lors d’un accouchement physiologique bref, n’importe où n’importe quand avec n’importe qui, tant que les volontés et la dignité sont respectées (hormis complications médicales vitales évidemment).

Dit comme ça, cela ne paraît pas si compliqué … et pourtant ! Nombreux.ses sont encore les patient.es qui se plaignent d’accouchements non respectés. Je répèterai à l’envi que je me suis sentie respectée lors de mes deux premiers accouchements, alors même que le premier a été très médicalisé. Mais c’est ce que je voulais sur le moment et tout a été fait avec beaucoup de bienveillance. Ce fut autre chose pour le troisième. Cela fait maintenant 15 mois que j’ai vécu un accouchement marqué par plus de 10h de violences obstétricales. Et 8 mois que je me suis engagée pour faire bouger les choses et réfléchir à quoi / quand / comment / avec qui agir. Des centaines d’idées, de pensées me parcourent sur ces sujets, et les lectures, rencontres, écoutes que je fais depuis tous ces mois ne font que renforcer ma conviction qu’il faut faire évoluer les choses.

Tout m’interpelle dans le vécu des violences obstétricales, et pas seulement les violences elles-mêmes. Elles viennent soulever un système de santé malade, mais surtout ; elles viennent révéler un système sociétal malsain, dans lequel la relation patient.e / soignant.e est mise à mal, dans lequel la confiance n’existe plus, un système dirigé par la peur et le pouvoir, la soumission et la toute-puissance. Et ce système malsain oublie que la deuxième cause de mortalité maternelle est, encore en 2021, le suicide. Tout cela se tient. Je ne dis pas que les VOG sont la seule cause ni même la principale cause de suicide des mères, mais je dis que la santé mentale et psychique des mères n’est pas assez prise au sérieux. Qu’on les (nous) abandonne, particulièrement après des violences médicales. Et si l’on vient me dire que mettre plus de moyens dans le respect des accouchements coûte trop cher, je n’ai qu’à répondre que le coût des dépressions post-partum, des stress post-traumatiques, est immense pour la communauté (au-delà des drames humains qu’elles constituent bien évidemment). Mais bizarrement, jamais chiffré …

Je parlerai ici en tant que patiente, car c’est ce que je suis. Je n’ai aucunement la prétention de connaître la médecine, la gynécologie, l’obstétrique, ni de penser mieux savoir que les médecins, et celles.ceux qui me suivent médicalement savent pertinemment que je m’en remets à leurs jugements et leurs diagnostics. Je me suis d’ailleurs souvent débrouillée pour m’entourer de personnes avec lesquelles je peux discuter. Pour autant, en trois grossesses, à chaque fois en MAP (menace d’accouchement prématuré), deux préparations pour des accouchements physio, un accouchement sans péridurale et un accouchement non respecté, je pense commencer à bien me connaître et pouvoir me faire confiance. Et quand bien même je n’aurais pas ce vécu-là, je me demande pourquoi, en France, on n’apprend pas aux femmes à se connaître et à se faire confiance …

Pourquoi depuis toutes petites, nous sommes soumises à l’autorité d’ « autres » que nous pour, soi-disant, mieux nous connaître ? Pourquoi on ne nous explique pas comment on fonctionne ? Ce qu’on a en nous ? Pourquoi, quand on émet le souhait d’avoir un jour des enfants, on nous laisse grandir en nous expliquant qu’accoucher « fait mal, mais qu’il faut bien y passer » ? Ou pire, qu’accoucher, « c’est dangereux » ? Pourquoi on ne nous prépare qu’à la douleur, dans la peur, à l’accouchement ? Pourquoi, surtout, dans d’autres pays, ça ne se passe pas comme ça, pourquoi chez eux ça marche mieux ? Ne pourrait-on pas s’en inspirer, chercher à comprendre ?

Pourquoi, en France, en 2021, je ne suis toujours pas assurée d’accoucher comme je l’entends ?

Je commence à connaître tous les arguments, de tous les côtés. Je connais les arguments des soignant.e.s sur les risques de dérapages qui existent lors des accouchements ; je connais aussi les arguments d’études scientifiques qui disent que ce sont principalement les actes médicaux qui produisent des réactions en chaîne qui amènent à des complications. Je connais les arguments des militant.es qui prônent la liberté de choix à tout prix ; je connais aussi les arguments des sages-femmes qui souhaitent pratiquer des accouchements à domicile en toute sécurité mais en étant protégées ; je connais alors aussi les arguments des assureurs qui ne voient que le risque ; ceux des pouvoirs publics qui disent ne pas avoir assez de budget et les soignant.es qui manquent de moyens. Si l’on prend tout ça en considération, les intérêts semblent trop contraires et les équations irrésolvables.

Alors, que faire ?

Je n’ai pas la réponse absolue malheureusement, même si j’entame un nouveau projet qui, je l’espère, me permettra d’en avoir quelques-unes bientôt. Et il y aura toujours des choses qui nous dépassent, comme le rôle des pouvoirs publics dans tout cela, et les moyens alloués au système de santé, qui deviennent très problématiques. (Là encore, pourquoi ça marche mieux ailleurs ?)

Mais ce que je sais, c’est qu’il faut que les patient.es et les soignant.es puissent se parler, s’écouter, avec empathie, respect et humilité. En tant que patiente, c’est ça qui me manque beaucoup et que j’ai du mal à comprendre. Pourquoi le personnel soignant se sent la plupart du temps attaqué quand la.le patient.e lui parle de ses ressentis ? J’aime beaucoup la définition selon laquelle c’est la.le patient.e qui définit la maltraitance médicale. Je sais que cela risque d’en choquer certain.es, mais c’est le cas. Quand je dis que je n’ai pas été respectée, que j’ai subi des violences, je ne dis pas que la personne en face a fait exprès, que toute l’équipe est à maudire, je dis juste ce que j’ai ressenti. Et ça, ça n’a pas à être remis en question. Je dois être écoutée et entendue. Bien évidemment ensuite, la gravité médicale ou psychologique peut être étayée, et tous les actes ou paroles n’ont pas le même impact. Mais si déjà je suis écoutée, croyez-moi, je serais dans de meilleurs dispositions pour vous écouter à mon tour, et pour vous comprendre. Ce sont les bases de la communication non violente, alors pourquoi pas entre patient.es et soignant.es ?

Ce qui s’est passé le jour de mon accouchement m’a fait beaucoup réfléchir sur l’accouchement respecté, évidemment. J’ai le sentiment que ce qui a gêné cette sage-femme, c’est que je maîtrisais, ou que je voulais maîtriser. Je ne me plaignais pas de douleurs, je gérais très bien les contractions et le travail. Je savais ce qui se passait dans mon corps. Très vite alors, elle a voulu reprendre le contrôle, en me faisant peur, en me disant que je n’allais pas y arriver, que mon bébé allait finir par souffrir (ce que le monito n’a JAMAIS montré), que mon bébé ne voulait pas sortir, en me parlant du pire, alors qu’aucun signe n’était alarmant, aucun. Au contraire, tout allait pour le mieux. Puis, au fur et à mesure que le temps passait, qu’elle me dénigrait et me faisait perdre confiance en moi, là j’ai senti que mon corps se bloquait. Et là j’ai compris que ça n’avancerait plus. J’ai tenu quelques heures ensuite, avant de lâcher, de pleurer, de demander la péridurale. Vous auriez du voir la satisfaction sur son visage …. et la détresse sur le mien. Mais là encore, je savais. Je savais que mon corps retenait ce bébé, que le travail n’avancerait plus d’un millimètre si la douleur continuait à s’intensifier, en plus des maltraitances de cette femme. Et j’ai fait ce qu’elle a voulu, pour que ses prédictions néfastes ne se réalisent pas.

Et aujourd’hui plus que jamais, je sais que c’est son comportement, l’atmosphère si anxiogène, le personnel pressant, qui ont mené à un accouchement si dur et si long. Aux complications physiques de la naissance (peu graves mais très douloureuses). Aux mois de rééducation physique, morale et psychique. Et je suis sûre que si j’avais accouché dans un autre contexte, rien ne se serait passé comme ça. Oh, vous me direz qu’on n’en sait rien, et vous avez raison, par définition. Sauf qu’en fait si, je le sais :) Dans ce contexte d’accouchement qui ne demandait aucune intervention particulière et qui se dirigeait bien (hormis la position en version postérieure du bébé, mais qui n’est pas une complication en soi), rien ne se serait passé de cette manière-là. Je connais mon corps, et je ne m’y reprendrais plus si un jour cela devait se reproduire ; je ne suis ni médecin ni sage-femme mais je connais mon corps enceint mieux que personne. A ce moment-là, pendant cet accouchement, j’étais, comme je l’ai dit, une mère prête à mettre au monde son 3ème enfant, une femme qui sent et ressent les choses en elle mieux que quiconque, qui a apprivoisé ce corps pendant 3 grossesses, en se préparant pour des accouchements physiologiques, en travaillant sur la gestion de la douleur, en comprenant la physiologie lors de menaces d’accouchement prématuré, en ayant des allaitements parfois compliqués …

Je suis devenue experte de mon corps qui donne la vie. Cela ne veut pas dire que je n’ai plus besoin de soignant.es autour de moi, ni que je ne leur fais plus confiance. Au contraire. Je suis quelqu’un qui s’angoisse facilement, j’ai souvent besoin d’être rassurée. Je demande juste à ce qu’on écoute ce que je ressens, ce que j’ai à dire, ce que je sais et ce que je sens. Ce n’est pas de la provocation en duel ni de la défiance, encore moins de la méfiance.

Je vous fais confiance, faites de même.

J’ai accouché dans trois endroits différents. J’ai eu un premier accouchement respecté et médicalisé ; un deuxème accouchement respecté et entièrement physiologique ; j’ai eu un troisième accouchement non respecté et traumatisant. Il n’y a pas de règles. Pour ce dernier accouchement, on a voulu prendre le contrôle sur mon corps, et après des heures de résistance, j’ai cédé. Pensant que ce serait pour la sécurité de mon bébé, j’y ai laissé beaucoup de plumes. Mais j’ai eu la chance d’être merveilleusement écoutée et entourée par la suite, et je sais que ce n’est pas le cas de tout le monde, loin de là. Je me suis très bien relevée grâce à cela, mais dans un autre contexte je n’aurais peut-être pas eu cette chance et mon histoire n’aurait pas eu cette issue ; j’y pense très souvent.

Je demande juste qu’on nous redonne le pouvoir de nos corps qui enfantent. Qu’on arrête de nous faire peur et de nous expliquer systématiquement qu’on risque la mort dès qu’on donne la vie. Qu’on réfléchisse intelligemment et ensemble, sans se braquer, à l’accouchement respecté, qu’il soit en structure hospitalière, en maison de naissance, à la maison. Qu’on se recentre sur la puissance de la naissance et sur les capacités des femmes avant toute chose. Qu’on mette en place des espaces où cela puisse être possible, ou des systèmes dans lesquels cela puisse être possible. Qu’on ait le choix d’accoucher où et avec qui l’on souhaite, en connaissance de cause, et qu’aucune femme n’ait à regretter ce moment bouleversant et transformateur.

NB : par pudeur et non par égoïsme je ne parle que de mon vécu, mais celui de mon mari fut très douloureux également, pendant et après. N’oublions pas les seconds parents dans les vécus d’accouchements non respectés et traumatisants. Un jour j’en parlerai peut-être plus longuement, mais le second parent ou l’accompagnant.e à la naissance est un dommage collatéral des violences obstétricales. Leur souffrance doit aussi être entendue si le besoin s’en fait sentir.

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