
[Je republie cet article de mon ancien blog car il m’amuse et fait partie de mes premiers ressentis de mère. J’ai conscience que je ne l’aurai probablement pas écrit de la même manière aujourd’hui, et qu’il peut paraître un « faire d’un cas particulier une généralité ». Avec le recul et mes années de maternité en plus, je tiens juste à rajouter ici qu’évidemment il exprime un ressenti d’une personne particulière dans un contexte particulier. Il représente une grossesse particulière. Rien n’est à prendre comme une généralité ou au pied de la lettre :)]
Réaliser que j’étais tombée enceinte il y a un an m’a fait repenser à cette année si particulière et à la manière dont j’avais vécu le temps qui passe pendant ma grossesse. Quand on annonce qu’on attend un bébé, on entend souvent des mamans nous dire « Profite, tu vas voir, ça passe tellement vite ! » Je ne suis pas tout à fait d’accord, et c’est que je voudrais exprimer aujourd’hui. Mais avant toute chose, il est évident que c’est un sujet très personnel et qu’il n’engage que mon vécu ; chaque grossesse est différente, chaque femme vit cette période différemment également, et en aucun cas on ne peut comparer ni juger cela, on ne le répétera jamais assez. Le « on » que j’utilise n’est donc en aucun cas une façon de généraliser la grossesse mais juste une tournure moins égocentrique que le « je » ;)
Au départ donc, c’est long. Trop long. On se demande d’abord comment on va pouvoir attendre 3 mois que ces nausées, cet épuisement et ces malaises cessent. Puis la première écho pour être rassurée sur la viabilité du fœtus, la trisomie 21, et ENFIN pour l’annoncer à tout le monde. Et enfin comment on va pouvoir attendre 9 mois pour voir la bouille de ce petit être qui grandit en nous. Du coup, impatiente que je suis, j’avais dévalisé le rayon « femme enceinte » de la Fnac à 4 SA et déjà acheté mes premiers jeans et soutien-gorges de grossesse (en l’occurrence j’en avais vraiment besoin! ). Sans compter que je l’ai annoncé à mon entourage très proche assez rapidement, pas pu résister et de toute façon vu ce que je vomissais, c’était suspect !
Puis on se raccroche à la fameuse phrase qu’on a lue et entendue des centaines de fois « tu vas voir après le premier trimestre, tout va mieux ! Le deuxième trimestre c’est que du bonheur ! »
Tu parles, Charles. A 4 mois et demi j’y étais encore moi dans les nausées et les malaises ! Sans parler de ces sautes d’humeur déstabilisantes (pour tout le monde d’ailleurs) et ces moments de déprime incompréhensibles qui ne durent pas longtemps mais qui sont bien là quand même. A ce moment-là on se dit qu’en fait, 9 mois c’est pas trop. C’est bien même. Parce qu’on est quand même sacrément chamboulée, que ce soit physiquement ou psychologiquement. C’est pas mal qu’il reste encore plus de 4 mois pour s’y faire, pour préparer, pour lui faire une place à ce petit bout.

Alors ok après, ça allait vraiment beaucoup mieux. Physiquement déjà, on commence à intégrer pleinement qu’on est enceinte, à accepter que si notre corps change c’est pour permettre à notre bébé de se développer tranquillement. On est fière. On a envie que ça se voit, on a envie de le sentir bouger, de lui donner un prénom, de ne parler que de ça. C’est à ce moment-là que j’ai ressenti le besoin de sortir de ma coquille, de rencontrer d’autres femmes enceintes (n’en ayant pas dans mon entourage), de me prendre en main. Je me suis mise au yoga prénatal ; j’ai contacté une baby planner ; je me suis inscrite à une mum-to-be party ; je mettais des hauts moulants pour qu’on voie mon ventre qui s’arrondissait ; j’ai appris que c’était une fille et acheté ses premières robes. C’était chouette. On est partis en vacances aussi, une semaine en juin hors vacances scolaires, en amoureux, pour profiter avant la cohue des mois d’été. J’avoue que cette période est passée très vite, j’avais l’impression de revivre après les premiers temps difficiles, et que le mois et demi qui venait de s’écouler était passé aussi vite que les 4 précédents.
Après les choses se sont gâtées ; c’est Petite I qui a voulu accélérer le temps. A 6 mois de grossesse, col raccourci, menace d’accouchement prématuré, hospitalisation et terminato, plus le droit de rien faire. On était le 16 juillet. Je vous laisse imaginer l’été à Paris, allongée sur mon canapé ou dans mon lit, les plans de vacances qui tombent à l’eau, les photos des copains sur Facebook, le mari qui travaille et qui tombe malade, alité lui aussi (Quoi ? Une couvade ?! Ca existe ça ?). Bref, le temps recommence à sembler trèèèès long. On compte les semaines, les heures même. Chaque jour est un jour de gagné. On connaît par cœur le rythme du cœur de son bébé au monitoring hebdomadaire et les échéances à atteindre : avant 33 SA, grande prématurité, mon bébé ne peut pas naître là ou j’ai prévu d’accoucher, de 33 SA à 37 SA, période de prématurité, à 37 SA on est à priori tirés d’affaire. Il fallait tenir jusqu’à mi-septembre … je sentais le personnel médical tendu autour de moi, j’essayais de garder mon sang-froid et ai heureusement pu compter sur l’aide précieuse de deux sage-femmes en libéral géniales.
Le temps passe, tant bien que mal, on a l’impression qu’on n’arrivera jamais au bout mais il faut y croire. Et on trouve de quoi s’occuper. Personnellement, le tricot et les séries m’ont été d’un grand secours ;) sans parler du téléphone ! J’ai aussi eu la chance d’être très entourée par mon mari, mes amis et ma famille, que je remercie encore de tout ce soutien. Et c’est aussi pendant cette période que j’ai pu établir un véritable lien avec la petite excitée que j’avais dans le ventre, et ça franchement, ça n’a pas de prix. On arrive ensuite au jour où on a le droit de reposer le pied par terre (ces fameuses 38 SA). Évidemment tout est prêt car on vous a prévenue que ça pouvait tomber à tout moment : la valise est faite, la chambre nickel, tout juste si on n’a pas déjà ouvert le paquet de couches… on est PRÊTE.

Mais là, surprise !! La petite rigolote a trouvé qu’en fait c’était vachement sympa à l’intérieur de maman donc finalement, pourquoi sortir, j’vous l’demande. Et c’est parti pour (sans exagérer) les 3 semaines les plus longues de ma vie. Vous voyez ce moment où devant votre porte d’entrée vous ne POUVEZ PLUS ATTENDRE pour faire pipi alors que ça fait 1h que vous vous retenez ? Et bien c’est pareil mais en pire. En 10 fois pire !! Chaque jour, chaque minute est en trop. J’ai tout essayé : la voiture sur les pavés, la corde à sauter, les litres de tisane de feuilles de framboisier avalés, le lavage de vitres, la méthode italienne, la marche pendant des heures… RIEN. Vous n’en pouvez plus des gens qui vous disent « oh bah t’as attendu 8 mois tu peux bien attendre 1 mois de plus ! » « Mais t’imagines ce que c’est que 10 jours dans une vie ?! » « Tu verras le lendemain de ton accouchement tu ne t’en souviendras même plus des 3 dernières semaines ».
Non, ça ce n’est pas vrai. Tout comme ce n’est pas vrai que ma grossesse est passée à toute allure, et je dirai même sans jeu de mots que « je l’ai bien sentie passer ». J’ai aimé attendre ma petite fille et me sentir « particulière », mais je ne me suis pas toujours sentie bien, loin de là. Et je m’en souviens très bien de cette attente de la fin, de ce trépignement d’impatience, de ces moments où on se demande juste si ça va arriver un jour et où honnêtement on est à bout. Mais je me souviens aussi de ce moment où, le 6 octobre, la nature s’est enfin décidée, où la poche des eaux s’est rompue à 1h du matin et où j’ai su que ma Petite I était enfin prête à nous rencontrer, « à temps » (tiens donc)… et des 6 heures qui ont suivi. J’ai eu de la chance, j’ai eu un accouchement de rêve (j’aime me dire que c’était pour compenser une grossesse un peu compliquée), et la journée qui a suivi a juste été magique. Là le temps prend une autre signification que celle qu’il avait pendant ces 10 derniers mois. Il ne fluctue pas. Il n’est ni trop lent ni trop rapide. On n’y pense même plus. On ne se pose plus la question. On a juste envie qu’il s’arrête.